Le cinéma s’est toujours emparé des histoires de mafieux, de truands, en s’inspirant de fait réels mais en les tordant au point de les rendre totalement fictifs – ce qui reste l’un des plus grands paradoxes.
Le truand français est une source intarissable d’inspiration pour l’usine à rêve qui met en scène sa légende dorée : un homme parti de rien pour diriger un empire, le self-made man et le rebelle réunis en un seul personnage. Quitte à être « glamour », comme le dit le réalisateur Olivier Marchal, quitte à représenter le truand non pas par le prisme de la réalité, mais par celui de la légende que le truand s’est lui-même crée ou que ses ennemis (à commencer par les policiers) ont participé à créer.
Si le cinéma français tend à reproduire des portraits robots du truand, n’est-ce pas au fond car les auteurs (scénaristes, réalisateurs) n’ont aucune connaissance du sujet, ou si peu ? Rappelons que ce n’est pas le cas du cinéma américain qui s’est toujours inspiré de la réalité pour une raison évidente : les services de police et de justice, dès les années 1920, puis lors de la French Connection, ont réussi à briser le fameux plafond de verre, à identifier les Familles mafieuses, finalement à produire de la connaissance sur un sujet majeur de nos sociétés (hyper)capitalistes.
Dans le dernier chapitre de mon livre Stars et truands (Fayard), j’avoue avoir pris un certain plaisir à brouiller les pistes entre fiction et réalité, entre ce que donne à voir la la série Mafiosa, et ce que prête à imaginer les affaires concomitantes autour des cercles de jeux parisiens, un « moment de l’histoire de France » où l’on ne parvient plus à distinguer le truand de l’acteur de cinéma…
Et plus les jours passent, et plus l’arrogance de certains réalisateurs et producteurs de cinéma valide ce que m’a dit un jour un truand « de la pire espèce » qui en avaient « averti » quelques uns, l’air de Brel en bouche : « chez ces gens-là, monsieur, on ne vit pas, monsieur, on triche… »